Comment ne pas être admiratif par l’originalité de l’architecture de cette belle demeure qu’est « la maison Bourdoiseau » ! Située à l’entrée de la rue des Dames, rue principale d’Aubigny-sur-Nère, elle se démarque tout de suite des autres maisons. On peut admirer sa façade en briques rouges, et surtout les deux superbes ouvrages de charpente, qui ornent les extrémités du bâtiment.

C’est Henri-Cyrille Bourdoiseau (1859-1899), dit « Compagnon Passant Charpentier Bon Drille du Devoir du Tour de France », qui l’a construite en 1881, une fois son tour de France achevé. Cette maison est la preuve que des ateliers locaux de charpenterie ont continué d’exister jusqu’à la fin du XIXème siècle. Elle fut érigée, appuyée contre le mur pignon d’une maison à pan de bois de la rue Porte Sainte-Anne. Une méthode qui imitait le système de construction des maisons de la cité par Robert Stuart, après l’incendie de 1512.

Construite en maçonnerie, elle s’élève sur 3 niveaux. Un rez-de-chaussée tout d’abord, qui s’ouvrait sur une boutique à l’angle de la rue des Dames et de la rue Porte Sainte-Anne. La clientèle du charpentier pouvait y faire ses demandes et passer commande. Une porte de service séparait ce magasin d’un logement qui lui, se poursuivait au 1er étage. Quant au dernier étage, il s’agissait de combles.

Façades originales et enseignes chefs-d’œuvre

La façade du bâtiment à l’étage, était ornée de faux pans de bois simplement appliqués sur le mur en briques, imitant un élégant colombage en croix de Saint-André. Ils ont malheureusement disparus aujourd’hui, mais leurs traces sont encore visibles. S’y ajoutaient des poteaux d’étage s’intercalant entre les croix de Saint-André, et rythmant la façade en d’étroites travées. Ils n’avaient cependant qu’une fonction décorative et n’intervenaient pas dans le soutien de l’édifice.

Mais le plus remarquable sont les deux ouvrages de charpente qui faisaient office d’enseignes. Cela permettaient à tout le monde d’admirer le travail de l’artisan. Ce qui est encore le cas aujourd’hui…

Véritables chefs-d’œuvre, l’un d’eux constitué de deux parties, est visible au-dessus de la porte de l’ancienne boutique. Le premier élément est un balcon semi-circulaire porté par des consoles sculptées donnant sur la fenêtre du 1er étage. Le second élément se situe au 2ème étage, où se trouve une lucarne-guitarde*. Celle-ci supporte un second balcon circulaire avec un belvédère recouvert d’un dôme à lunettes et ses ardoises en écailles. Le deuxième chef-d’œuvre se situe à l’autre bout du bâtiment, là où Henri Bourdoiseau avait son atelier. Et c’est au niveau du second étage qu’une autre lucarne-guitarde supporte un belvédère sur ses quatre poteaux de bois. Ceux-ci sont fixés sur l’encorbellement* créé par la guitarde. Le belvédère se prolonge par une flèche torse tournant sur la droite.

*Lucarne-guitarde : elle présente un toit arrondi qui dépasse bien en avant par rapport à la baie elle-même, formant un encorbellement circulaire. 

*Encorbellement : Position d’une construction (balcon, corniche, fenêtre) en saillie sur un mur.

Le Saviez-vous ?

  • À l’époque d’Henri Bourdoiseau, la flèche torse était surmontée d’une gracieuse sculpture du Génie de la Liberté, réplique exacte de celle ornant le sommet de la colonne de Juillet, Place de la Bastille, à Paris.
  • Les prouesses techniques mises en lumière à travers cette belle demeure témoignent du grand savoir-faire du charpentier. Il a cherché à multiplier les difficultés et les fantaisies, faisant ainsi la démonstration de son excellente technique du Trait. À l’époque, c’était le moyen de savoir pour les jeunes itinérants Compagnons passant par Aubigny-sur-Nère, qu’un « Frère aîné du Devoir » était là et pouvait si besoin, leur fournir du travail.
  • Une exposition fut organisée à Aubigny-sur-Nère en 1994, dans le cadre de la restauration des belvédères de la maison Bourdoiseau. Elle permit au public de pouvoir les admirer de près, grâce au soin d’un ancien charpentier de Jouet-sur-l’Aubois (Cher) qui les avait préservés.
  • De telles enseignes font aujourd’hui office de mémoire d’une époque révolue, dont la réalisation force toujours l’admiration. C’est probablement la raison pour laquelle ces ouvrages ainsi que les façades de la rue Porte-Sainte-Anne et de la rue des Dames, ont été inscrits sur l’inventaire supplémentaire des monuments historiques des façades, par arrêté du 2 juillet 1997.

Henry Bourdoiseau, un jeune maître-artisan…

Henri-Cyrille Bourdoiseau, de son véritable nom, est né à Aubigny-sur-Nère, le 3 février 1859. Son père Jean-Cyrille Bourdoiseau exerçait la profession de charpentier, et sa mère Anne-Pélagie Bourdoiseau, était couturière. Quant au grand-père, Théodore Bourdoiseau, il était artisan-couvreur. Le jeune garçon était donc issu d’une famille d’artisans au savoir-faire reconnu, ce qui le conforta probablement à entrer dans le compagnonnage pour devenir lui-même, charpentier. Une fois son tour de France réalisé comme apprenti Compagnon du Devoir en Charpenterie, il revint dans sa ville natale, afin de s’y établir maître-artisan. Et c’est à l’âge de 22 ans qu’il réalisa les chefs-d’œuvre installés à chaque extrémité de sa maison, de façon à signer sa maîtrise des principales difficultés du métier. Pour en tracer les schémas en trois dimensions, il aurait reçu l’aide du charpentier Bezeau, natif de Souesmes (Loir-et-Cher).

Henry-Cyrille Bourdoiseau est décédé le 28 octobre 1899, à l’âge de 40 ans… Il aura toutefois eu le temps de laisser des traces indélébiles à Aubigny-sur-Nère. En effet, on peut encore y admirer escaliers, balcons et lucarnes à son nom, ainsi qu’une fabrique de jardin. Il fut lauréat du 1er Prix à l’exposition industrielle de Blois (1883), du 1er Prix à celle de Bourges, et d’une médaille d’argent à l’exposition universelle de Paris en 1889.

« La Folie », une fabrique de Jardin hors-norme

Construite en 1880, elle servait d’abri de jardin pour y protéger les outils. À l’origine, elle était érigée sur une petite cave d’1 mètre de profondeur. Dénommée « La Folie », du fait de la grande originalité de ses formes et de son architecture complexe cumulant les difficultés de réalisation, elle fut transformée à un moment, en pigeonnier. Mais elle est aujourd’hui devenue un conservatoire d’outils de charpenterie. Elle renferme une doloire et un ciseau marqués au nom d’Henri Bourdoiseau.

Vous pourrez d’ailleurs visiter cet abri de jardin hors du commun lors Journées Européennes du Patrimoine.